Zorro a le vent en poupe en ce moment : une série télé espagnole avec une des têtes d’affiche d'Elite, une future adaptation française avec rien moins que Jean Dujardin sur Paramount+ et cette nouvelle version en comics, réalisée par la star du moment : Sean Murphy, créateur de Batman White Knight mais aussi Punk Rock Jesus. Autant dire que c’est un événement et qu'Urban Comics met les petits plats dans les grands pour cette sortie : album grand format, bonus de qualité. Bref, tout pour mettre en valeur une série qui résume à elle seule les forces et les faiblesses de son auteur. Une partie graphique époustouflante, mais une histoire pas vraiment maîtrisée.

© 2024 ZORRO PRODUCTIONS, INC

Le public avait découvert et adoré Sean Murphy en tant que dessinateur sur des comics comme Joe the Barbarian ou The Wake. Il faut dire que son style est tout simplement parfait, avec une narration fluide et une volonté de proposer un dessin très personnel foisonnant d’idées et de détails. On reconnait immédiatement n’importe quelle planche de cet auteur, ce qui malheureusement est de plus en plus rare dans cette période où l’on a tendance à aller de plus en plus vers un réalisme de surface qui lisse quasiment la totalité des styles des artistes. Ce n’est pas le cas avec Sean Murphy et c’est bien évidemment le point fort de cette nouvelle version de Zorro.

En revanche, dès que Murphy a essayé de devenir un auteur complet et de proposer aussi des histoires écrites par ses soins, c’est tout de suite beaucoup moins impressionnant. Je n’avais pas du tout aimé Punk Rock Jesus, qui avait toutefois enflammé la critique par un concept un peu délirant mais dont le rythme n’était absolument pas maîtrisé. Et c’est le problème de Murphy : de très bonnes idées de départ mais un manque total de compétence dans la manière de développer un récit. On a pu le voir notamment dans la très mauvaise gestion de son univers Batman. Et c’est le cas ici, avec une nuance toutefois : le fait que la série ne fasse que quatre épisodes. Ce nombre de pages limité impose à Murphy un rythme plus soutenu. Il va à l’essentiel, et même s’il y a encore de gros défauts scénaristiques, on lit les quatre épisodes du récit d’une traite.

© 2024 ZORRO PRODUCTIONS, INC

Car ce n’est pas une adaptation classique du personnage que nous livre l’auteur, mais plutôt un hommage à « l’esprit de Zorro » qui se situe à notre époque. Nous voici donc au village de La Vega, situé en plein cœur du Mexique et sous la coupe de narcotrafiquants depuis des décennies. Le village continue de célébrer chaque année son personnage le plus connu : Diego de la Vega, alias Zorro. Légende ? Réalité ? Personne ne sait si ce héros a véritablement existé deux cent ans plus tôt, mais on continue de le célébrer. Et puis la légende veut que la marque en forme de Z sur le devant de l’église ait été laissée deux siècles plus tôt par le héros en personne.

Le jour de la fête des morts, les jeunes Rosa et Diego voient leur père, déguisé en Zorro pour la célébration, se faire trancher la gorge par El Rojo, le baron de la drogue local. Séparés depuis cet incident, les destins des deux frangins vont connaître une trajectoire différente. Élevée dans la rue, Rosa devient membre d’un groupe affilié au cartel d’El Rojo, servant de chauffeur. Quant à Diego, il ne s’est jamais remis du traumatisme est s’est renfermé dans un mutisme et un monde fantasmé au sein d’un monastère élevé par un père adoptif, dernier descendant de Diego de La Vega qui va lui apprendre le maniement de l’épée et du fouet.

Vingt ans plus tard, le Cartel d’El Rojo continue d’affirmer sa domination sur les habitants du village. Sauf qu’une série d’incidents va amener non seulement les deux orphelins à se réunir, mais aussi ramener l’espoir dans le village de La Vega sous la forme d’un cavalier qui surgit hors de la nuit. Son nom ? Vous l’aurez deviné ! Zorro est revenu et il va dresser toute la ville derrière les criminels. Vengeance et action sont donc au cœur de ce récit résolument moderne.

Et c’est, à mon sens, là que la bande dessinée coince niveau histoire. Sean Murphy ancre son récit dans le monde actuel, donnant une représentation très réaliste et très moderne de la figure du héros. Il le modernise, certes, mais ne peut s’empêcher de rajouter des éléments qui, en voulant rendre hommage au héros que l’on connaît, fait chavirer l'histoire au niveau de la suspension d’incrédulité.

© 2024 ZORRO PRODUCTIONS, INC

Ce mélange raté entre la volonté de proposer un récit très réaliste et ces éléments totalement surnaturels dignes d’un film d’animation Disney donne une impression très bizarre à la lecture. On ne sait pas vraiment ce qu’on lit, ni même à qui s’adresse Sean Murphy à travers ce comic-book. Certainement pas aux enfants au vu de la violence développée, mais pas non plus aux adultes, qui ne peuvent absolument pas cautionner certains éléments de l’intrigue. De fait, en voulant contenter tout le monde, Sean Murphy ne contente personne. Il est limite victime de sa maestria graphique, qui impose aux lecteurs des scènes mises en images de façon absolument dantesque, mais qui ne correspond de fait pas à l’idée de départ de son histoire. C’est dommage.

© 2024 ZORRO PRODUCTIONS, INC

Il reste toutefois une histoire agréable mais qui a du mal à se définir et que l’on va oublier très vite. En revanche, certaines planches du dessinateur, qui peut s’amuser à jouer avec tout le folklore autour de la journée des morts et l’imaginaire mexicain, resteront très longtemps imprimées sur le fond de votre rétine.

Un récit en demi-teinte donc pour les lecteurs occasionnels, mais qui ravira sans doute les fans de Sean Gordon Murphy. Sans révolutionner le genre, ZORRO se laisse lire. Et c’est déjà pas mal.

Zorro : d'entre les mortsUrban indies
De Sean Gordon Murphy
Traduit par Benjamin Rivière
21/06/2024 – Broché – 128 pages – 19,00€
Acheter sur : AmazonFNACCulturaBubble

A La Vega, la population honore la mémoire de Zorro qui a signé de son Z le porche de l'église cent quatre-vingts ans auparavant. Les cartels, excédés par cet hommage, assassinent l'acteur chargé de la cérémonie. Vingt ans plus tard, les deux enfants du comédien, Rosa et Diego, sont prêts à venger leur père.

Contient : Zorro: Man of the Dead (Massive, 2024) #1-4
Zorro : d'entre les morts (Édition Collector N&B)Urban indies
De Sean Gordon Murphy
Traduit par Benjamin Rivière
21/06/2024 – Broché – 112 pages – 20,00€
Acheter sur : AmazonFNACCulturaBubble

A La Vega, la population honore la mémoire de Zorro qui a signé de son Z le porche de l'église cent quatre-vingts ans auparavant. Les cartels, excédés par cet hommage, assassinent l'acteur chargé de la cérémonie. Vingt ans plus tard, les deux enfants du comédien, Rosa et Diego, sont prêts à venger leur père.

Contient : Zorro: Man of the Dead (Massive, 2024) #1-4

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